RDC-RWANDA : QUELS ÉQUILIBRES DE PUISANCE ENTRE LES DEUX PAYS DE MÊME FRONTIÈRE ?

Le 27 mai 2022, le M23, une rébellion vaincue et cantonnée pour démobilisation en Ouganda et au Rwanda fait à nouveau parler de lui en attaquant les positions des FARDC dans le Rutshuru, Nord Kivu. La logistique militaire et l’envergure de ces attaques ont rapidement suscité les réactions fortes du Gouvernement Congolais et de la population : Le Gouvernement Congolais va adopter une position graduellement ferme allant des preuves militaires, dénonciation politique d’une énième agression Rwandaise, derrière le M23, aux mesures diplomatiques, sommes toute appréciables : convocation de l’ambassadeur Rwandais accrédité à Kinshasa, offensive diplomatique au sein de différentes instances sous-régionales et internationales. La nouveauté dans le comportement de la RDC a résidé dans les mesures de rétorsions que la RDC s’est autorisée à prendre contre le Rwanda, une première dans l’Histoire : suspension de l’autorisation de vol et interdiction de survol du sol congolais par Rwand-Air, la compagnie d’avion rwandaise, suspension des différents contrats et accords signés avec le Rwanda.

 La population Congolaise, elle, très frileuse sur l’attitude du Rwanda a soutenu le Gouvernement dans la dénonciation de cette agression :  les femmes comme la société civile et la population des différentes provinces ont été unanimes à fustiger l’agression Rwandaise et soutenir les FARDC.

 Certes, la RDC n’as pas réussi à créer un équilibre de puissance en sa faveur, à ce stade, mais, une grande opinion nationale trouve que le Gouvernement Congolais a eu une bonne réaction et a pris de mesures qui dopent la fierté et la dignité de l’identité nationale. En fait, la population congolaise n’a que trop bu de la honte dans la coupe lui servie par le Rwanda. C’est une histoire de grosse injustice de l’Histoire : le déplorable génocide rwandais avec 800 000 morts, qui a engendré un véritable carnage et liquidation de plus de 10 millions de Congolais et une prédation inestimable des ressources naturelles du Congo-Kinshasa. Le tout, comme facture sans solde pour satisfaire la culpabilisation – fonds de commerce de la politique du Rwanda sur les deux dernières décennies. Des faits troublants poussent à une véritable analyse stratégique.

 La malheureuse prise de Bunagana, le jeu diplomatique relativement efficace sur toutes les scènes, à la fois sous-régionales, régionales et internationales dans la Région des grands Lacs, la continuité des relations diplomatiques entre la RDC et le Rwanda à ce stade, soulèvent inévitablement des questions d’analyse stratégique. Comment se fait-il que l’éléphant RDC soit cloitré dans une posture de cadet face au petit Rwanda ? Au-delà de la fragilité ayant découlée de la chute de Mobutu, 

Quelles sont les faiblesses que la RDC devrait combler ? Les éléments d’équilibre stratégique à prendre en compte dans le schéma de puissance à très court terme ? 

La tentative pour élucider ces paramètres, dans cette analyse, va se cristalliser autour de ces points saillants : 

I) le renversement d’équilibre, II) la légitimité démocratique forte, III) Une gouvernance éprouvée, IV) Une cohésion nationale inébranlable et V) Une armée républicaine. 

RETOUR SUR UN ÉQUILIBRE RENVERSÉ DE PUISSANCE 

L’Histoire des vingt dernières années entre le Rwanda et la RDC est une histoire de flagrantes contradictions des paramètres. Rien ne présage l’ascendance du Rwanda sur la RDC, mais bien au contraire, tous les paramètres prédisposent la RDC comme un acteur de puissance : sur le plan de la taille et superficie, la RDC a 2 345 410 km2, le Rwanda en 26.338 ; la RDC a près de 100 millions d’habitants, le Rwanda a 12.95 millions ; si la RDC a un budget de 11 milliards de dollars américains, le Rwanda a 4.56 milliards de $ ; sur le plan des effectifs militaires la RDC a 129 000 hommes et le Rwanda a 33 000 hommes ; en terne de classement comme puissance militaire, selon Global Fire Power  en  2022, la RDC a gagné 5 places, devant 76ème puissance au monde, et 11ème en Afrique, tandis que le Rwanda, quoi que 45ème puissance militaire en Afrique,  selon certaines sources, s’est forgé une armée d’exportation dans les opérations de maintien de la paix et dans des accords bilatéraux.  Sur le Plan économique en suivant le classement des pays par Produit Intérieur Brut (PIB), la RDC est 89ème au niveau mondial et 12ème au niveau Africain, le Rwanda est 145ème au monde et 34ème au niveau africain (voir le planificateur à contre sens.net).  Ces différents indicateurs ne laissent aucunement présager que le Rwanda pouvait s’imposer face à la RDC dans un jeu de puissance.

UNE LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE FORTE :

 Il est établi sur tous les plans qu’il y a un lien entre prospérité des Nations – légitimité des pouvoirs – exercice des passations pacifiques de pouvoir –jeu démocratique et stabilité de culture politique. A titre d’exemple, le Kenya et la Tanzanie, deux pays de stabilité des cultures de succession à la tête de l’Etat, sont aussi les deux pays les plus avancés en richesse, au point d’être les seuls à être projetés parmi les 10 pays les plus riches d’Afrique d’ici 2026. Si le Rwanda a l’avantage de n’avoir que 3 tribus (Tutsi, Hutu et Twa) et de se contenter de la dictature, il n’en demeure pas moins que ce pays reste fragilisé dans les perspectives du futur. Il n’existe pas de canaux de stabilité légitime à la tête de l’Etat. 

Certes, le Rwanda a énormément travaillé sur son ambition de l'érection tant rêvée de l'empire Hima Tutsi, a su faire du génocide un formidable fonds de commerce diplomatiquement tentaculaire. Pourtant, le pays est l’un de la sous-région des Grands Lacs a rester en dehors des règles de jeux de liberté d'opinion, des droits humains et il n’a pas vécu de passation pacifique de pouvoir pour consolider la gestion légitime du système de l'État en place. Le pouvoir de Kigali reste un régime autocratique avec des lendemains incertains. Il ne peut donc constituer un modèle pour des pays comme la RDC.

La prospérité et la décadence de la RDC semblent foncièrement liées à la légitimité. L’instabilité du pays, après l’indépendance en faisant démonstration. Avec ses 480 ethnies, la RDC a une particularité qui fait de la prise en compte de sa diversité un élément fondamental de sa force, de stabilité, mais le contraire est un facteur déstabilisant. 

Les populations congolaises sont hautement contestatrices de tout pouvoir sans véritable légitimité. Et dans un pays continent comme la RDC, aucune autorité ne peut prétendre relever les défis sans associer les populations ni être soutenue par elles en tenant compte des équilibres géopolitiques établis. Par ailleurs, il est notable que toute autorité au sommet de l’Etat sans véritable légitimité en RDC, essaiera de se maintenir par des soutiens sous - régionaux et étrangers pour sécuriser son existence. 

Non seulement ceci bradera obligatoirement des intérêts nationaux, mais aussi deviendra un facteur de fragilité, de dépendance politique face à des Etats comme le Rwanda ou l’Ouganda, deux pays assez mal préparés dans la transition aux régimes plus stables et dans la gouvernance démocratique.

Le contexte global place la RDC dans l’obligation de se constituer en référence de la démocratie en Afrique pour des régimes hautement légitimes et capables de porter les intérêts nationaux avec intégrité. 

Il faudra instaurer la cohésion sociale comme un des socles de la Gouvernance, avec des équilibres qui permettent à tous de participer à la gestion de la chose publique tout en mettant en place la caractère d’intégration nationale.

 Le respect de notre Constitution et de nos Lois ; des institutions d’appui à la démocratie largement indépendantes et travaillant avec toutes les parties prenantes, des lois électorales responsables et adaptées à l’exigence de garantir l’égalité de chance aux femmes, jeunes de différentes origines de notre peuple ainsi qu’aux minorités et Populations Autochtones, la régularité des scrutins, l’indépendance des juridictions des contentieux, des autorités véritablement revêtues de la légitimité sont le gage de notre force comme Etat démocratique imposant le respect à tous.

L'URGENCE D'UNE GOUVERNANCE ÉPROUVÉE EN RDC, 

Un Scandale géologique, c’est devenu un pal refrain. Nous sommes passés à la RDC pays solution. Des épithètes qui devraient nous remplir de fierté, de dignité, nous placer au sommet des exemples et des modèles de l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. 

Seulement le cauchemardesque tableau de la réalité à tous les niveaux fait un rappel sans appel à humilité, remise en question, introspection et sens de responsabilité. De toutes les ressources naturelles dont regorge le pays, quelle portion appartient encore véritablement au pays, au peuple congolais ? Des mines, aux forets ? Des terres arables aux droits ? Sommes-nous véritablement loin des techniques coloniales d’expropriation comme vécues au Mozambique, et dans beaucoup d’Etats de l’Afrique Australe ?

Là où le Rwanda affecte 1,25 militaire pour sa sécurité, la RDC affecte 0, 06 militaire. Et là où le Rwanda comptabilise en recette 380 $, la RDC comptabilise 110 $. Au-delà de la volonté politique, il est important que la RDC mette en priorité (i) l’indépendance de la Justice, (ii) Une Gouvernance éprouvée, (iii) La lutte contre la corruption, (iiii) le bannissement du clientélisme, du tribalisme-comme critère de sélection des acteurs. 

Des lois comme la Loi électorale actuelle qui instaure une oligarchie au niveau législatif sont un suicide de notre diversité comme valeur et constituent une exclusion des milliers des jeunes sans appui politique à l’égalité de chance.

Face à la contradiction de nos réalités, Ressources gigantesques d’une part, pauvreté et cycle d’insécurité alimentaire, chômage, exode rural, pauvreté au-dessus de la barre de 50%, Il nous faudra inventer des approches nouvelles pour aborder nos défis avec un nouveau regard et une nouvelle ambition. Nous avons 26 provinces, 145 territoires, 279 secteurs, 311 villes et 78 885 villages, tous en situation de non développement. Nous n’avons aucune entité à faire valoir comme modèle de développement achevé. Nous ne pouvons donc pas aborder ces défis comme si nous devions réparer une simple route.Il nous faudra passer à une planification stratégique autant qu’à une pensée stratégique holistique.

UNE ARMEE REPUBLICAINE – DES FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE AU-DELÀ DE LA DISSUASION ET DE LA SECURITE NATIONALE.

Les forces de Défense et sécurité restent, au-delà des performances, un tendon d’Achille de notre pays. 

Si nous pouvons nous sentir fiers de l’engagement et du sacrifice de ces milliers de soldats qui ont fait de la défense de la Patrie leur raison de vivre ou de mourir, il faut constater que les progrès, la taille, la formation, les conditions des militaires et les équipements de notre armée doivent faire l’objet des plus grandes priorités. Les effectifs restent largement en deca de nos ambitions de défense du territoire.

 Malgré les victoires engrangées par notre armée et nos vaillants militaires, notre pays est resté le terrain des opérations militaires pour les armées des pays voisins. Nous devons devenir capable de riposte et représailles, avoir la capacité de porter le danger sur le territoire ennemi, même en guise d'avertissement ou de simple correction pédagogique. Nous devons revenir aux principes stratégiques et élémentaires de ceux qui veulent la Paix, ILS PREPARENT LA GUERRE. Selon le dicton des vieux stratèges « Qui vis pacem, para bellum

Les jérémiades, les condamnations sont évidemment importantes. Mais en relations internationales, seule compte la capacité à défendre et promouvoir l’intérêt national.

Les partenaires traditionnels de la République Démocratique du Congo devraient se ressaisir et imaginer un nouveau paradigme de stabilisation de la Région des Grands Lacs. Celle-ci passe inévitablement par la stabilité de la RDC. Son décollage économique et son épanouissement profiteraient inévitablement à tous les Etats voisins, autant que sa déstabilisation entrainerait inéluctablement négatif  et séismique impact dans toute la région. Tout le monde y gagnerait.

LUC LUTALA KYAD’I 
Analyste Politique et Electoral
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lutalaky@gmail.com

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